
Le Musée des Ombres
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Chaque fois que Malo visitait une nouvelle ville avec ses parents, c’était toujours la même chose.— Allez, Malo, on va au musée, ça va être intéressant ! disait son père.— Il y a plein de choses à découvrir, ajoutait sa mère.
Mais lui, ça ne l’intéressait pas du tout.
Regarder des tableaux, des vieilles armures, des pots cassés retrouvés sous la terre… Quel ennui. Il aurait préféré explorer une grotte secrète ou grimper en haut des toits pour voir la ville d’en haut.
Ce jour-là, ses parents l’avaient emmené dans un immense bâtiment en pierre, avec des colonnes si hautes qu’elles semblaient toucher le ciel. Dès l’entrée, il savait qu’il allait passer un moment interminable.
— Pas de bêtises, Malo, chuchota son père.— Et ne touche à rien, ajouta sa mère.
Malo soupira et traîna des pieds derrière eux.
La première salle était remplie de statues en marbre. Des guerriers en armure, des rois avec des couronnes, des créatures étranges avec des ailes. Elles étaient figées dans le temps, leurs regards vides fixant quelque chose qu’il ne voyait pas.
Un peu plus loin, il y avait une grande peinture qui représentait une bataille. Des chevaux, des épées, des hommes qui couraient. Tout cela semblait figé dans un autre monde, silencieux et immobile.
Il s’ennuyait déjà.
Ses parents avançaient lentement, lisant chaque petit panneau sous les œuvres. Malo, lui, préférait regarder par la fenêtre. Dehors, la lumière de l’après-midi baignait la ville.
Puis il remarqua quelque chose d’étrange.
Une ombre venait de bouger.
Il se retourna. Toutes les statues étaient là, comme avant. Mais il était sûr d’avoir vu une ombre glisser sur le sol, juste devant lui.
Il fronça les sourcils. Peut-être un nuage dehors ?
Il continua à avancer.
Ils arrivèrent dans une autre galerie, plus sombre. Des vitrines en verre montraient des objets anciens : des médaillons, des épées rouillées, des couronnes couvertes de poussière.
Malo se sentit mal à l’aise.
Puis il l’entendit.
Un bruit léger. Comme un souffle.
Il tourna brusquement la tête.
Là, derrière une statue, une silhouette se glissa dans l’ombre.
Cette fois, il en était sûr. Quelqu’un – ou quelque chose – bougeait dans le musée.
Il regarda ses parents. Ils étaient plus loin, absorbés par une vitrine pleine de vieilles pièces de monnaie. Ils n’avaient rien remarqué.
Malo fit un pas en arrière.
La silhouette bougea encore.
C’était comme une ombre qui ne devrait pas être là.
Puis elle disparut derrière une colonne.
Il avala sa salive et recula encore. Son cœur battait plus vite.
Il tourna la tête vers la grande peinture de bataille.
Et cette fois, il faillit crier.
Un des soldats avait bougé.
Ce n’était pas possible. Les tableaux ne bougent pas. Et pourtant, il était sûr que le cavalier, celui avec l’épée levée, n’était pas placé comme avant.
Il recula encore, les yeux fixés sur la toile.
Puis il sentit un frisson dans son dos.
Quelque chose était juste derrière lui.
Il se retourna d’un coup.
La statue d’un chevalier en armure avait avancé d’un pas.
Malo ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit.
Le chevalier était toujours figé, bien sûr. Son épée pointait vers le sol, son casque cachait son visage. Mais… il n’était pas à cette place avant.
Il recula encore.
Un autre bruit résonna. Comme une cape qui frôle le sol.
Il n’était pas seul.
Des ombres glissaient sur les murs.
Les statues semblaient changer de position à chaque fois qu’il détournait les yeux.
Les chevaliers avançaient doucement.
Les visages dans les peintures le fixaient maintenant.
Malo sentit son cœur battre si fort qu’il croyait qu’il allait exploser.
Il devait sortir de là.
Il tourna les talons et courut.
Ses pas résonnèrent sur le sol de marbre. Derrière lui, il lui sembla entendre d’autres bruits de pas, lourds et métalliques, comme des armures en train de se mettre en marche.
Il fonça dans un couloir sombre, dépassa une file de mannequins vêtus de vieux costumes et déboula dans la salle d’entrée.
Ses parents étaient là, en train de regarder un guide touristique.
Malo s’arrêta brusquement, le souffle court.
Il se retourna.
Le musée était normal.
Les statues n’avaient pas bougé.
Les tableaux étaient à leur place.
Les ombres avaient disparu.
Il cligna des yeux. Avait-il rêvé ?
Sa mère lui lança un regard.— Tout va bien ? Tu es tout pâle.
Il ouvrit la bouche… puis la referma.
— Oui, oui… tout va bien, mentit-il.
Il jeta un dernier regard vers la grande salle derrière lui.
Les chevaliers étaient bien alignés. Les peintures aussi.
Mais dans un coin, là où la lumière était plus faible, une ombre bougea encore.
Malo serra les poings et sortit du musée sans se retourner.