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La Maison des Portraits

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Simon avait toujours vécu dans un quartier tranquille, une rue bordée d’arbres où les voisins se saluaient d’un signe de tête en sortant leurs poubelles, où les enfants jouaient sur les trottoirs jusqu’à ce que les réverbères s’allument. Mais tout au bout de cette rue paisible, il y avait une maison différente des autres, une bâtisse dont personne ne parlait vraiment, comme si elle n’existait pas. Ses volets étaient toujours fermés, et son jardin était envahi par des herbes folles qui semblaient vouloir avaler le portail rouillé. Chaque fois que Simon passait devant, il accélérait légèrement le pas sans même s’en rendre compte, comme si un instinct profond lui soufflait de ne pas s’attarder.

Un jour, alors qu’il rentrait de l’école avec son meilleur ami Maxime, ils ralentirent en arrivant devant cette étrange demeure. Maxime, qui était plus curieux que prudent, s’arrêta net au milieu du trottoir et plissa les yeux en direction des fenêtres obscures.

— Tu sais qui habite là ? demanda-t-il, les mains enfoncées dans les poches de son blouson.

Simon haussa les épaules d’un air détaché, même s’il sentait une légère tension dans sa nuque.

— Je crois que personne.

Maxime haussa un sourcil, visiblement intrigué.

— Pourtant, il y a bien quelqu’un qui ferme les volets tous les jours, non ?

Simon ouvrit la bouche pour répondre, mais il n’avait aucun souvenir d’avoir vu ces volets s’ouvrir ou se fermer. C’était comme s’ils étaient condamnés depuis toujours. Pourtant, parfois, en passant devant, il avait l’impression furtive qu’une silhouette se glissait derrière les rideaux, qu’une ombre bougeait à l’intérieur. Mais c’était peut-être son imagination.

Maxime, lui, semblait de plus en plus excité par cette découverte. Il jeta un regard autour de lui pour s’assurer que personne ne les observait, puis s’approcha du portail.

— On devrait jeter un œil, chuchota-t-il comme si la maison pouvait l’entendre.

— T’es fou ! protesta Simon en le tirant par la manche.

Mais Maxime s’était déjà faufilé à travers l’ouverture du portail branlant. Simon hésita, regarda autour de lui, puis poussa un soupir avant de le suivre à contre-cœur.

Le jardin était encore plus inquiétant vu de près. Les hautes herbes s’enroulaient autour des pierres du chemin, et des buissons décharnés se dressaient de chaque côté, leurs branches tordues formant des silhouettes étranges dans la lumière déclinante. L’air était humide et portait une odeur de terre et de bois pourri.

Ils atteignirent le perron.

Maxime posa une main sur la poignée de la porte, et avant que Simon ait pu lui dire de ne pas le faire, la porte s’ouvrit toute seule dans un léger grincement.

Un silence oppressant tomba sur eux.

Ils échangèrent un regard.

— C’était sûrement juste mal fermé, murmura Maxime, même si son assurance avait légèrement vacillé.

Simon, lui, n’était pas convaincu, mais il ne voulait pas passer pour un froussard. Il prit une profonde inspiration et entra à la suite de son ami.

L’intérieur de la maison était plongé dans une pénombre inquiétante. Les meubles, recouverts de draps blancs, ressemblaient à des fantômes figés dans l’attente de quelque chose. Une vieille horloge murale, arrêtée depuis des années, se dressait au fond du couloir. L’air sentait la poussière et le bois humide, un parfum étrange de temps suspendu.

Maxime s’avança dans le salon, où une table était dressée comme si un repas avait été interrompu. Des assiettes étaient posées, des verres remplis d’un liquide brunâtre, et une nappe en dentelle recouvrait la table.

— On dirait que les gens sont partis du jour au lendemain, chuchota Simon.

— Ou qu’ils ne sont jamais vraiment partis, murmura Maxime en s’approchant du mur du fond.

Simon suivit son regard et sentit un frisson lui parcourir l’échine.

Le mur était couvert de photos.

Des portraits d’enfants.

Ils étaient alignés soigneusement, comme dans une collection macabre. Tous avaient le même regard fixe, la même expression figée. Il y avait des photos en noir et blanc, d’autres en couleur, certaines si anciennes qu’elles s’effritaient sur les bords.

Maxime tendit la main vers l’une d’elles.

Avant qu’il ne puisse l’attraper, un bruit retentit dans la maison.

Un coup sourd.

Ils se figèrent.

La porte du couloir venait de se refermer violemment.

Le silence qui suivit était plus terrifiant encore.

Puis un grincement se fit entendre.

Quelqu’un descendait l’escalier.

Une silhouette apparut dans l’ombre.

C’était une femme vêtue d’une robe sombre. Son visage était flou, indistinct, comme si la lumière refusait de l’éclairer.

Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit.

Puis, lentement, elle leva une main vers eux.

Les fenêtres claquèrent en même temps.

Un courant d’air froid les frappa de plein fouet.

Simon sentit ses jambes se tétaniser.

Maxime attrapa son bras et le tira en arrière.

Ils se mirent à courir, contournant la table, traversant le couloir dans un chaos de battements de cœur affolés et de souffle court.

La porte d’entrée était juste devant eux.

Mais la femme était là aussi.

Elle se tenait devant la porte, immobile, les observant sans bouger.

Maxime chercha frénétiquement une issue.

— Les fenêtres ! cria-t-il.

Ils se ruèrent vers l’une d’elles et tentèrent de l’ouvrir.

Fermée.

Toutes étaient verrouillées.

Puis une voix résonna dans la maison.

Une voix qui semblait venir des murs eux-mêmes.

— Vous… ne devriez pas être là…

Les meubles tremblèrent.

Les lumières s’éteignirent.

Puis une nouvelle porte s’ouvrit brusquement derrière eux, donnant sur le jardin.

Sans réfléchir, ils s’y engouffrèrent et coururent aussi vite que leurs jambes le leur permettaient.

Le portail grinça en s’ouvrant devant eux, et ils s’élancèrent sur le trottoir sans oser se retourner.

Ce n’est qu’une fois en bas de la rue qu’ils s’arrêtèrent, le souffle court.

Ils regardèrent derrière eux.

La maison était toujours là.

Silencieuse.

Comme si rien ne s’était passé.

Maxime ouvrit la main et découvrit qu’il tenait une photo.

La photo qu’il avait touchée avant que tout ne commence.

C’était eux.

Leur propre portrait, affiché sur le mur parmi les autres.

Ils se regardèrent sans parler.

Puis Simon retourna lentement la photo.

Une date y était inscrite.

Aujourd’hui.

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